Designer de l’environnement, artiste et chercheur, Hugues Lefebvre Morasse est candidat au doctorat interdisciplinaire en aménagement de l’Université de Montréal. Sa pratique s’inscrit dans une approche critique du design, où la recherche-création se déploie comme un outil pour penser les rapports entre sexualité, espace et temporalité dans une perspective queer. À travers l’écriture située, le dessin architectural et l’investigation terrain, il interroge la manière dont les corps queers habitent les territoires, s’y projettent et les transforment.
Titre du projet thèse : Espaces, temps et corps queers non métropolitains. Les potentiels de faire-monde queer dans 10 lieux de villégiature au Canada.
Cette thèse porte sur les campings gais, les womyn’s lands et d’autres lieux de villégiature 2S/LGBTQIA+ au Canada. Souvent ignorés par la recherche et la culture populaire, ces sites remettent pourtant en cause les récits métronormatifs — cette logique qui associe la vie queer aux grands centres urbains et qui invisibilise, ce faisant, des réalités régionales bien réelles. En explorant des espaces en marge des normes spatiales, sociales et sexuelles, ce projet met en lumière des pratiques spatiales queers enracinées dans des contextes peu visibles, mais significatifs. Il permet d’envisager l’appropriation spatiale des minorités et leurs aménagements vernaculaires comme des formes de résistance à l’« ici et maintenant hétéronormatif ».
En mobilisant les outils du design pour lire ces territoires, une telle démarche ne vise pas un projet de design prescriptif, mais se déploie plutôt comme une pratique prospective et attentive aux potentialités de l’existant. À partir de la méthode de l’inventaire, telle que développée par Thomas-Bernard Kenniff et Carole Lévesque, Hugues cherche à déceler des « potentiels utopiques » latents, présents dans les traces éphémères — matérielles, sociales et mémorielles — laissées par les pratiques spatiales queers. Cette approche s’inscrit dans la lignée de la pensée de José Esteban Muñoz, pour qui la futurité queer, bien qu’utopique, agit comme une force critique incarnée et quotidienne du présent. En ce sens, ce projet de thèse conçoit les lieux étudiés non seulement comme des objets d’analyse, mais comme des dispositifs de faire-monde queer (queer world-making), capables d’informer et de renouveler les pratiques de l’aménagement à travers le prisme de territorialités et de spatialités autrement négligées.